Le sixième jour

  

À l’aube du sixième jour, Le Tout-Puissant s’affairait comme un beau diable pour terminer sa création dans les délais prévus lorsqu’un détail attira son attention… L’homme s’ennuyait.

On ne pouvait se méprendre là-dessus, et le Tout-Puissant moins que quiconque : l’homme se languissait dans le Jardin d’Eden. Il tournait en rond, indifférent à la mystérieuse harmonie de la Création, insensible à la beauté de l’Univers, imperméable à la féerie de couleurs et de senteurs qui se déployaient devant lui. Il se morfondait devant le prodigieux spectacle des animaux, petits et grands, grotesques ou majestueux qui venaient un à un lui rendre hommage. Rien n’y faisait, il sombrait dans un ennui mortel.

Le Créateur était bien embêté. Depuis qu’il avait déclenché le Big-Bang cinq jours plus tôt, le temps avait filé à une telle vitesse qu’il n’avait pas eu un instant de répit pour contempler son ouvrage. Il jeta un œil rapide mais néanmoins attentif autour de Lui. Tout était en place, les galaxies s’éloignaient les unes des autres à la bonne vitesse, les constellations se formaient selon le schéma prévu, les planètes tournaient rond, la Vie s’écoulait comme il convenait.

Le Tout-Puissant soupira, Il était bien obligé d’admettre qu’il ne comprenait pas ce qui clochait chez l’homme.

— Bon, se dit-Il, Le mieux est de demander conseil aux anges, leur sagesse va Nous éclairer.

Il décida aussitôt de convoquer une assemblée générale de tous les anges de la création. L’instant d’après, ils étaient tous réunis autour de Lui, chérubins, anges et archanges mêlés, sans hiérarchie ni distinction de grade, depuis le plus puissant, lumineux et tout en majesté, jusqu’au plus petit, humble et quasiment obscur. Nul besoin de les informer de l’objet de la convocation, ils étaient bien entendu déjà au courant de ce qui préoccupait le Tout-Puissant et tous, ils partageaient Son inquiétude. Afin que chacun dans cette céleste assemblée se sente à son aise, Il leur dit de sa voix la plus douce

— Parlez sans crainte, chacune de vos paroles sera entendue. 

Le premier à s’exprimer fut l’archange Michel qui déclara d’un ton emphatique

— Ô Seigneur, pour distraire l’homme de son ennui il lui faut des créatures fantastiques, comme des chimères ou des dragons.

Le Tout-Puissant soupira intérieurement sans rien laisser paraitre, même à des êtres aussi sensibles que les anges. Michel était parfois agaçant avec ses lubies d’animaux improbables.

— Quelqu’un d’autre a-t-il une suggestion ? lança Le Tout-Puissant en promenant un regard invitant sur l’assemblée des anges.

— Très-Haut, veux-Tu que j’aille divertir l’homme en lui racontant des histoires merveilleuses ? demanda doucement l’archange Gabriel.

Le Tout-Puissant lui sourit avec bienveillance.

— Loués soient tes talents de conteur, Gabriel, mais Je crains que tes contes ne puissent le distraire, répondit-Il.

Le silence se fit, chacun perdu dans ses pensées cherchant désespérément à satisfaire le Tout-Puissant. Soudain une voix profonde et mélodieuse se fit entendre.

— Il manque une compagne à l’homme, déclara l’ange de Lumière.

À peine s’était-il exprimé que tous surent qu’il avait vu juste. Cependant, un peu déçu de n’y avoir pas pensé Lui-même, le Tout-Puissant ne put s’empêcher de discuter :

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