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Les contes du réel
26 octobre 2017

Le coffret

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Seul dans ce grenier complètement vide, Raphaël se dit qu’il gâchait sa vie. C’est alors qu’il vit la boîte. En se baissant pour ramasser le dernier carton, presque contre sa volonté, il mit la main dessus. Elle semblait surgie d’un passé sans âge. Raphaël eut d’abord la tentation de la remettre dans le carton et de refermer le tout, craignant ce qui pouvait se dissimuler dans une relique aussi ancienne. Le désir de découvrir les promesses qu’il sentait entre ses doigts fut le plus fort. Il souleva précautionneusement le couvercle. La boite s’ouvrit en exhalant une bouffée de poussière. Il n’y avait à l’intérieur qu’un rouleau de parchemin si blanc qu’il semblait avoir été déposé la veille. Raphaël le déplia très doucement et lut :
Celui-là à qui la magie est révélée
A lui seul deux vœux seront accordés
Car le don n’agit que pour toi qui lis ces tercets
Pour être exaucé tu devras énoncer
Je veux et j’exige, la formule consacrée
N’oublie pas Ici et maintenant pour l’achever
Il était tout à la fois perplexe et très excité. Il y croyait, il voulait y croire ! Il devait immédiatement faire un vœu pour vérifier si le charme opérait. Il réfléchit à ce qu’il pourrait bien demander. Il aurait voulu tellement de choses et pourtant à l’heure du choix rien de précis ne lui venait à l’esprit. Mû par une impulsion soudaine il prononça à haute voix « Je veux et j’exige 500€ ici et maintenant ». À peine avait-il terminé qu’il se sentit ridicule. Comment avait-il pu croire à cette fable ? Aucun génie prêt à se mettre à sa disposition n’apparut. Il était toujours seul dans ce grenier et c’était aussi bien que personne ne l’ait vu se livrer à de tels enfantillages.
Raphaël examina la boite. Il s’agissait d’un coffret en bois délicatement ouvragé. La patine du bois luisait dans la lumière du grenier et au toucher le coffret était doux comme une caresse. Le couvercle était orné d’entrelacs finement ciselés et l’acier du fermoir était noirci par le temps. Et dire que cette journée était partie pour être une des plus mornes de son existence ! Raphaël avait été requis par sa mère pour l’aider à vider la maison, ou plutôt la bicoque, d’un grand-oncle qui avait vécu en reclus. Et bien sûr, il n’avait pas pu se défiler alors qu’un adolescent en pleine possession de ses moyens comme l’était Raphaël avait des choses bien plus importantes à accomplir. Et voilà qu’il découvrait cette antiquité perdue dans ce grenier, avec cet étrange poème qui parlait de magie.
Raphaël entendit sa mère l’appeler. Il ferma le coffret, le remit dans le carton. Il s’apprêtait à redescendre quand il aperçut un petit objet sur le sol au milieu du grenier. Il était pourtant sûr que l’instant d’avant il n’y avait rien à cet endroit. Il s’approcha en retenant sa respiration. Il s’agissait d’un petit portefeuille en cuir. Il le ramassa du bout des doigts. Il était léger, il l’ouvrit lentement.
Raphaël compta et recompta, il y avait dix billets de 50€ et uniquement ces dix coupures dans ce portefeuille. Comment cela était-il possible ? Le portefeuille n’était pas là quand il était entré dans le grenier. La magie avait-elle réellement opéré ? En un éclair, il remit la main sur le coffret, l’ouvrit précipitamment et voulut dérouler le parchemin. Mais à peine l’avait-il touché qu’il s’effrita sous ses doigts en tombant en fine poussière. Qu’avait-il fait ? La magie fonctionnerait-elle à nouveau ? Il regretta amèrement d’avoir gaspillé son premier vœu avec un souhait si dérisoire. Il prit soudain conscience qu’il se souvenait mot pour mot du poème alors qu’il n’avait pas une excellente mémoire. Jusqu’à présent ! Voilà ce qu’il aurait dû demander, une mémoire prodigieuse, ou mieux un quotient intellectuel hors norme ! Il fallait qu’il choisisse très soigneusement son second et dernier vœu. Cette fois il prendrait le temps d’y réfléchir. Il redescendit en tenant le carton sous un bras et en serrant précieusement le coffret dans une main.
Les jours suivants il ne cessa de songer à ce mystérieux coffret. Sa mère n’avait fait aucune difficulté pour qu’il le garde. Il l’avait rangé parmi les affaires qui lui tenaient le plus à cœur, un disque acheté dans un vide-grenier et dédicacé par John Lennon lui-même selon les dires du vendeur, le premier volume des aventures de Harry Potter que lui avait offert son père juste avant qu’il ne tombe malade. Les 500€ étaient partis alimenter son livret d’épargne. Auparavant, il en avait dépensé une petite partie pour offrir à sa mère un joli bracelet. Après tout, c’était grâce à elle s’il avait découvert le coffret.
Raphaël était obnubilé par le second vœu. Qu’allait-il demander, ou plutôt exiger selon la formule ? Il hésitait entre une intelligence supérieure et une beauté hors du commun mais il aurait voulu rester le même. Il s’aimait bien tel qu’il était ! Il pouvait demander à réussir tous ses examens mais il répugnait à gaspiller un vœu si précieux pour un objet aussi médiocre que la réussite scolaire. Non, ce dont il rêvait secrètement c’était d’être un véritable Dom Juan aux innombrables conquêtes, de plaire instantanément sans même ouvrir la bouche, de voir toutes les filles se pâmer devant lui et tous les garçons l’envier. Il joua avec cette idée. Partout où il passerait il laisserait des femmes éplorées et des hommes jaloux. Raphaël secoua la tête, comme pour sortir de sa rêverie. Il n’avait pas envie de ces séductions factices. Il fallait qu’il continue à réfléchir à ce second vœu. Il avait tout le temps, il finirait bien par trouver ce qu’il désirait vraiment.
Cette année-là, Raphaël eut plusieurs fois la tentation de souhaiter réussir ses examens mais il tint bon et dans l’ensemble il n’eut pas à le regretter. Souvent il sortait le coffret pour le contempler. Il le caressait pour sentir la douceur du bois sous ses doigts. Après une contrariété ou lorsqu’il avait du vague à l’âme, il prit l’habitude de l’ouvrir et de chercher des yeux les traces du parchemin. La poussière accumulée dans le fond de la boîte était pour lui la preuve de la magie. Il se récitait les paroles du poème et alors une espérance confiante montait en lui. Tout lui était possible, il suffisait de demander.
C’est par un froid matin de janvier qu’il fit la connaissance d’Élodie. Le cours de français était déjà bien entamé lorsqu’elle fit son entrée dans la salle de classe. Elle portait une parka blanche qui lui donnait des allures de cosmonaute. Comme il faisait plutôt bon dans la pièce, elle ôta son manteau et se transforma soudain en une ravissante jeune fille. Mme Pommeroy, la jeune enseignante qui tentait d’initier ses élèves aux subtilités du bovarysme l’interpella.
— Tu as besoin d’aide ?
— Oui. Je viens juste d’arriver, on m’avait aiguillé dans la mauvaise classe. Je m’appelle Élodie Blanchet.
— Eh bien, Élodie il semble que tu sois arrivée à bon port.
— Je m’assieds où ?
La jeune fille affichait une certaine décontraction. Mme Pommeroy prit le temps de la réflexion, l’observant sous toutes les coutures avant de jeter un coup d’œil sur la classe. Puis, elle donna une réponse conforme à sa réputation.
— Près du garçon que tu trouves le plus mignon.
Aussitôt l’agitation saisit la classe qui résonna de gloussements et de murmures.
— Silence ! coupa l’enseignante, laissez-là choisir.
Élodie parcourut lentement l’assistance, dédaignant les fanfarons qui lui faisaient des signes. Au moment où le regard d’Élodie glissa sur son dos, Raphaël tourna la tête vers elle. Ils restèrent ainsi quelques secondes, les yeux dans les yeux, se jaugeant posément, jusqu’à ce que les gloussements ne reprennent.
— Marlène, viens au premier rang, trancha Mme Pommeroy.
Et Marlène, qui était assise à côté de Raphaël, se leva en affichant une moue désapprobatrice pour laisser la place à la belle et mystérieuse Élodie.
À la fin de la journée, Élodie et Raphaël étaient devenus inséparables. Ils firent le chemin du retour côte à côte. Élodie venait d’emménager à proximité de Raphaël. Avec avidité ils se livrèrent, échangeant sur les sujets vraiment importants, la littérature fantastique, les films de science-fiction. Ils partageaient les mêmes rêves, parcourir le monde et d’abord New-York. Et ils avaient le même idéal d’absolu et de liberté. Une fois arrivés, ils eurent beaucoup de mal à se quitter. Ce soir-là, seul avec sa mère, Raphaël se sentit étrangement absent, comme si une partie de son être était restée près d’Élodie. Une fois couché, son cœur se mit à battre à tout rompre. Ce ne fut que lorsqu’il ouvrit puis referma le coffret qu’une paix bienfaisante tomba sur lui. Alors, malgré son exaltation, il s’endormit immédiatement.
Bien des années après, il suffisait à Raphaël de se rappeler la période qui avait suivi pour retrouver la nostalgie de ces jours heureux. Élodie avait cette forme d'insouciance qui rend la vie si légère. En règle générale, ils riaient beaucoup, parlaient encore plus et ne s'ennuyaient jamais ensemble. Bien sûr, ils n'étaient pas toujours d'accord et il leur arrivait même de se disputer mais c'était ensuite l'occasion de resserrer davantage encore leurs liens. Comme deux galets que la mer frotte continuellement l'un contre l'autre, ils se polissaient mutuellement au fil du temps, dans une harmonie parfaite. Cependant, certains soirs, Raphaël était troublé. Il avait alors le sentiment qu'elle ne l'aimait pas autant qu'il l'aimait. Dans ces moments de confusion, il contemplait le coffret, le caressait, l'ouvrait, jouant avec l'idée qu'il pourrait, d’un seul vœu, s'assurer pour toujours de l'amour d’Élodie mais il savait qu'il ne pourrait jamais rien exiger d’elle. Il refermait alors le coffret, rassuré et confiant.
Ils se marièrent par une belle journée d'été. La cérémonie fut très simple, aussi émouvante que joyeuse. Leurs amis avaient préparé plusieurs surprises dont un feu d’artifice final qui fit pleurer la mariée. À la fin de la journée, Raphaël et Élodie auraient voulu que cette fête ne se termine jamais et ils étaient également impatients de se retrouver en tête à tête, mari et femme.
Ils emménagèrent dans un charmant petit appartement du centre-ville. Raphaël venait de terminer ses études d’architecte et Élodie faisait un dernier stage avant de soutenir sa thèse de vétérinaire. Un soir, peu après leur installation, alors qu’ils continuaient de déballer les cartons, Élodie mit la main sur le coffret.
— Tiens, qu’est-ce que c’est que ça ? On dirait une boite à souhaits, dit-elle sur le ton de la plaisanterie.
Raphaël songea qu’elle devait être un peu voyante.
— Oh, mais je me demande bien ce que tu peux cacher là-dedans, sourit-t-elle, amusée par le trouble que son mari ne parvenait pas à dissimuler.
— Mais rien du tout, qu’est-ce que tu vas imaginer ! lança Raphaël un peu vexé.
Prenant tout son temps, elle ouvrit lentement le coffret. Inexplicablement, Raphaël retint son souffle, comme si quelque chose allait surgir de cette boîte.
— Mais c’est vide, dit-elle, ne cachant pas sa déception.
Elle le regarda en fronçant les sourcils.
— Tu t’attendais à quoi ? railla gentiment Raphaël.
Il décida de se confier pour dissiper le malaise qu’il sentait s’installer.
— C’est un porte-bonheur. Je l’ai découvert dans les affaires d’un vieil oncle qui venait de décéder et je t’ai rencontré juste après. Depuis, il ne me quitte plus, je suis sûr qu’il agit comme un talisman.
— Oh, c’est trop chou !
Elle reposa le coffret pour se blottir dans ses bras. La soirée se termina sous des auspices beaucoup plus favorables comme il sied à de jeunes mariés. Cependant, dans la nuit, Raphaël se leva pour trouver un endroit où ranger, ou plutôt cacher, le coffret.
Élodie fut recrutée dans la clinique où elle avait fait son dernier stage et peu de temps après Raphaël fut embauché par un grand cabinet d’architectes. Pour chacun d’eux, ils vivaient leur métier comme une vocation et non comme un travail. Ils étaient contents de partir le matin mais ils étaient encore plus heureux de se retrouver le soir. En préparant le repas, ils se racontaient leur journée, la vieille dame folle de son toutou, le chef incapable de prendre une décision. Ils passaient ensuite la soirée ensemble, toujours l’un près de l’autre, à lire ou à parler, certains soirs devant un bon film. Puis, ils allaient se coucher et c’était alors les moments les plus agréables de leur vie de jeunes mariés. Au terme de la deuxième année de mariage, six mois après avoir arrêté la pilule, Élodie tomba enceinte. Raphaël transforma la chambre d’ami en une merveilleuse chambre d’enfant. Lorsqu’il eut terminé la tapisserie, un délicieux motif fait d’éléphants et de girafes sur un fond d’étoiles couleur pastel, Élodie lui dit en caressant son ventre qui s’arrondissait de plus en plus.
— Je dormirais bien dans cette chambre. Elle est si apaisante.
— Pas question, répondit Raphaël, c’est la chambre de notre enfant et tu dois apprendre à respecter son intimité.
Et ils éclatèrent de rire, joyeux d’être ensemble, joyeux en pensant au bébé qui venait, joyeux de vivre tout simplement.
Tomas arriva avec un jour de retard et dès sa naissance, ils l’appelèrent Tom. Raphaël fut submergé d’émotion lorsqu’il vit apparaitre le petit Tom. Dès qu’il le prit dans ses bras, il sut qu’il l’aimerait toute sa vie, d’un amour aussi profond que celui qui le liait à sa mère. Après l’accouchement, lorsqu’il quitta sa femme et son fils qui dormaient paisiblement, en rentrant à son domicile il sortit le coffret et l’examina attentivement. Depuis cette nuit où il l’avait si bien rangé, c’était la première fois qu’il le tenait. Se pouvait-il que le coffret agisse réellement comme un talisman ? Il l’ouvrit et soudain se mit à pleurer, des larmes de bonheur, de fatigue aussi, mêlées d’inquiétude. L’avenir serait-il toujours aussi clément ? Il referma le coffret et le dissimula encore plus profondément.
Durant les huit années qui suivirent, l’ange gardien qui veillait sur Raphaël, Élodie et Tom fit bien son travail. Tom monopolisait l’énergie de ses parents qui avaient bien du mal à se retrouver en tête à tête. Cependant, pour rien au monde ils ne regrettaient leur vie d’avant. Raphaël était devenu associé à part entière dans son cabinet. Toute la famille avait alors emménagé dans une belle maison pourvue d’un jardin et d’une tonnelle sous laquelle ils prenaient leurs repas dès que le temps le permettait. Raphaël s’était découvert une passion pour le jardinage qu’il considérait comme un art de vivre. Et quand bien même Tom réclamait parfois un compagnon de jeu, égoïstement Raphaël et Élodie considéraient que rien ne devait changer dans leur vie. Le petit Tom n’en tenait pas grief à ses parents. Un soir, il interrogea son père.
— Dis Papa, est-ce qu'on sera toujours heureux comme ça ?
Raphaël prit la main d’Élodie dans la sienne, posa délicatement leurs mains jointes sur la poitrine de son enfant avant de lui répondre.
— Papa et Maman seront toujours dans ton cœur pour veiller sur toi mon chéri.
Le troisième jeudi du mois, à l’heure du déjeuner, les associés du cabinet avaient pour habitude de se réunir pour traiter les dossiers sensibles. Lors de ces réunions, la règle était stricte, ils ne devaient pas être dérangés. Aussi, Raphaël fut immédiatement inquiet lorsque ce jeudi d’automne finissant, il vit débarquer en pleine réunion son assistante.
— Monsieur, il est arrivé quelque chose à votre fils.
Raphaël sentit tous les regards peser sur lui, et tout à coup, l’angoisse tordit son ventre. Il se leva et ne put s'empêcher de demander d’une voix étranglée.
— C’est grave ?
— Je ne sais pas Monsieur, votre femme et votre fils sont à l'Hôtel-Dieu. La personne que j’ai eue au bout du fil m’a dit que votre fils a eu un accident.
Aussitôt, Raphaël quitta la pièce en laissant tout en plan, sans un mot pour quiconque. Pendant le trajet jusqu'à l'hôpital, il essayait désespérément de chasser les images terribles qui lui venaient à l’esprit. En arrivant à l'hôpital il ne put trouver de place pour se garer, aussi il abandonna tout simplement son véhicule pour se précipiter à l'accueil.
— Je suis Raphaël Hertel, on m'a dit que mon fils Tomas vient d'être hospitalisé à la suite d’un accident.
La réceptionniste prit tout son temps pour examiner son écran.
— Tomas Hertel, Urgences Orthopédiques, troisième étage, chambre 334, suivez la ligne bleue jusqu'à l'ascenseur.
Et elle se détourna de lui. Deux mots sinistres obscurcissaient maintenant le cerveau de Raphaël. Il se dirigea vers l’ascenseur marchant comme un robot, et enfin il atteignit la chambre. Élodie était assise tout près du lit, une main posée sur le petit torse de Tom. La poitrine de ce dernier se soulevait et s’abaissait régulièrement au rythme de sa respiration. Un tuyau énorme sortait de sa gorge, une sonde de son nez et une autre était fichée dans son avant-bras si fluet. Un moniteur affichait son rythme cardiaque. Dès qu’elle eut pris conscience de la présence de Raphaël, Élodie se jeta dans ses bras. Il prit le temps de la serrer contre lui, jusqu'à ce que ses pleurs diminuent d’intensité. Au bout d’un moment, elle se détacha.
— Qu’est-il arrivé ? demanda Raphaël.
Les explications furent hachées, entrecoupées de sanglots. L’accident était survenu pendant une sortie scolaire, lors d’une collision entre le car qui emmenait la classe de Tomas et une voiture. Tomas n’avait pas attaché sa ceinture et la violence du choc l’avait projeté contre le dossier du siège face à lui. Il s’était protégé de son bras droit et celui-ci était très abimé. Pour éviter qu’il ne souffre trop et que son état n’empire, Tomas avait été placé sous coma artificiel.
— Le médecin veut nous parler, conclut Élodie.
À son tour, Raphaël posa sa main sur la poitrine de son fils. Elle était chaude. Raphaël avait toujours été frappé par la douceur de la peau de Tomas et il s’était souvent demandé si un étranger éprouvait la même sensation ou si cette impression provenait du fait que c’était, en quelque sorte, sa propre chair qu'il touchait. Etait-ce le contact de la peau de son fils, le rythme régulier de sa respiration ou tout simplement le contrecoup de toutes les émotions vécues, à cet instant Raphaël se sentit apaisé. Il aurait voulu rester dans cette chambre, veiller sur son fils et empêcher qu’on lui fasse du mal.
— Viens, ma chérie, allons voir le médecin, dit-il en prenant la main d’Élodie.
Ils durent patienter avant d’être reçu par le docteur Fournier. C’était un homme jeune et affable. Instantanément, Raphaël eut confiance en lui. Il utilisait des mots simples, parlait calmement et semblait ne rien vouloir leur dissimuler.
— Je ne vous cache pas que l’état de votre fils est grave. Ses jours ne sont pas en danger mais son état n’est pas stabilisé. Malheureusement, le choc a été d’une telle violence qu’il y aura des séquelles. Les heures qui viennent vont être cruciales. Nous craignons d’être dans l’obligation de pratiquer une, le praticien fit une pause presque imperceptible, une amputation du bras droit.
Il fixa Raphaël dans les yeux et poursuivit d’une voix plus chaleureuse.
— Mais ça n’est encore qu’une hypothèse. Tout dépendra de la manière dont l’organisme de votre fils va réagir au traumatisme qu’il a subi. Tomas est jeune et en bonne santé, il a de la ressource.
Sa poignée de main fut appuyée et lorsqu’il les quitta, ils se sentirent désemparés. Ils retournèrent dans la chambre, veiller leur enfant. Plus le temps passait et plus Raphaël était obsédé par le coffret. Il aurait donné ses deux bras pour sauver celui de son fils. Le deuxième vœu, il fallait qu’il le fasse, vite, avant qu’il ne soit trop tard ! Avait-il besoin du coffret pour que le vœu se réalise ? Dans le doute, mieux valait l’avoir sous la main. N’y tenant plus, Raphaël se leva brusquement.
— Je vais chercher de quoi manger. Il faut qu’on tienne toute la nuit.
Élodie le regarda interloquée.
— Je n’ai pas faim et je serais bien incapable d’avaler quoique ce soit.
— Il faut se nourrir et puis il faut se reposer aussi. Tomas a besoin de nous, il faut que nous soyons prêts, quoiqu’il arrive. Je ne serai pas long ma chérie.
— Fais comme tu veux, répondit Élodie dans un soupir à peine audible.
Raphaël lui pressa tendrement la main avant de quitter la chambre. À peine était-il hors de vue qu’il se mit à courir. Il n’avait pas une minute à perdre. Par chance, sa voiture était toujours là, il fila à toute vitesse vers son domicile et à peine arrivé courut récupérer le coffret. Il était bien là, brillant d’une lumière rassurante. Raphaël l’ouvrit, et d’une seule traite, il récita « Je veux et j’exige que mon fils Tomas ne perde pas son bras et se rétablisse complètement ici et maintenant ». À peine avait-il terminé qu’il fut saisi d’un doute affreux.
Pour lire la suite, rendez-vous sur : Les contes du réel: Recueil de nouvelles
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